Il y a 219 ans, sur cette terre que nous avons reçue en héritage, la liberté était intimement liée à l’idée tenace de créer une nation. Au-delà des conflits d’intérêts partisans, il fallait un symbole politique fort, d’une grande valeur morale et juridique, pour rassembler des individus soudés par un destin commun et unique. La construction de la nation haïtienne était devenue irréversible avec la création de notre bicolore.

Il y a 219 ans, dans cette ville de l’Arcahaie, ce haut lieu d’histoire où s’était ravivée la conscience de nos aïeux, des femmes et des hommes avaient compris qu’il fallait de la cohésion, de l’unité autour d’un emblème national pour espérer conclure l’une des luttes les plus justes que l’humanité ait connues : celle contre l’esclavage.

En ce 18 mai 2022, nous sommes venus nous recueillir, nous remémorer la grandeur d’âme, l’esprit collectif, le sens du sacrifice de ces femmes et de ces hommes qui nous ont légué cette terre de liberté. Ce 18 mai 2022, alors que nous commémorons la création de notre drapeau, nous pensons à la générosité de Catherine Flon qui, par-delà le temps, nous convie à nous réapproprier la ferveur et les aspirations qui ont conduit à la victoire de 1804.

En 219 ans, il s’est passé beaucoup de choses. Et nous avons compris que Vertières n’était pas la dernière bataille qu’il fallait gagner. A l’ombre du bicolore, aujourd’hui encore, nous entendons les voix des Pères fondateurs et des Mères fondatrices nous exhorter et nous dire que le temps a sonné pour la nouvelle Haïti.

 

Mes chers compatriotes,

Notre drapeau, fruit d’un consensus national, doit nous inspirer, en cette année 2022, afin de retrouver cet esprit unitaire indispensable pour la survie de la nation. Nous devons bannir autour de nous les divisions qui nous rongent et minent la stabilité de notre pays. Il est impératif de renforcer le cadre de dialogue permanent, institutionnel, inclusif entre nous haïtiens, en vue de partager les idéaux du vivre-ensemble, du bien commun, de l’amour pour cette terre qui nous est si chère et que nous avons le devoir de reconstruire ensemble.

Drapo a se senbòl inite. Li dwe ede nou rete soude youn ak lòt, pou n vanse ansanm e reyisi ansanm. Avni timoun nou yo, devlopman peyi nou an, depann de tèt ansanm. Nou pa dwe kontinye ak divizyon, ak chire pit, ki pap mennen nou okenn kote.

Se nan lespri sa a nou fèt pou nou konprann tout enpotans slogan nou chwazi pou selebrasyon drapo a ane sa a : « An n rekoud peyi n ». Catherine Flon te montre nou chimen an, li te ba nou yon egzanp lè li te rekoud drapo nou an. An n rekoud peyi nou an. Sosyete nou an dechire, sosyete nou an gen twòp ying yang. An n rekoud peyi n pou timoun yo, pou jenès la. An nou rebti yon lòt sosyete sans fòs kote. Yon peyi kote yon n respekte lòt, kote nou tout dwe konpran n pi gran byen nou genyen se Ayiti e devwa nou se pwoteje l. Ann refè yon lòt 1803 ak yon lòt 1804, nan kole zepòl, pou nou mennen yon gwo batay pou ledikasyon, pou lasyans, pou pwogrè ak devlopman.

Il y a presque 250 ans, le 2 décembre 1772, naissait Catherine Flon sur ce territoire qui deviendra, par la suite, notre pays. Elle était loin d’avoir le statut de citoyenne, mais le désir de vivre libre a été, pour elle, le plus incroyable et le plus efficace des catalyseurs. Nous avons besoin de revenir sur les conditions qui ont conduit à la création de notre Bicolore, de donner de nouveau sens au rêve de Catherine Flon et de tous ceux qui nous permettent aujourd’hui, même au milieu de la tempête, de lever la tête pour regarder flotter notre drapeau.

 

Chères concitoyennes, chers concitoyens,

Nous entendons encore l’écho des voix de ces apôtres de l’union fraternelle nous convier à un autre congrès : celui de la réhabilitation de ce pays, à travers le Kombit nasyonal ; le congrès des Gouverneurs de la Rosée, le congrès de « La Belle Amour humaine ». Voilà ce à quoi nous invitent ceux qui ont donné au pays leur savoir-faire militaire, leur énergie, leur courage, leur sueur, leur sang, leur jeunesse. Dans ce concert de voix patriotiques, Jacques Roumain, Jean Jacques Dessalines et Jacques Stephen Alexis – les trois Jacques –nous parlent. Ils nous montrent le chemin de la rédemption nationale.

Nous entendons également les voix de Marie-Jeanne Lamartinière, de Marie-Claire Heureuse, de Cécile Fatima, de Victoria Montou dite Toya, de Sanite Bélair, de Cathérine Flon, de Marie Sainte Dédé Bazile dite Défilée et de milliers de femmes vaillantes et inébranlables. Certaines ont été des amazones ; d’autres se sont assurées de l’entretien des troupes, de la gestion de la logistique ; d’autres, enfin, ont été grandes conseillères étant habitées par la sagesse divine. Mais, elles ont, toutes, contribué dans cette guerre contre le monstre de l’asservissement, de l’abêtissement et de ce crime contre l’humanité de tous les temps : l’esclavage.

Nous entendons aussi les cris répétés de notre centenaire, Odette Roy Fombrun, dont l’écho patriotique transperce nos cœurs, tout en nous invitant à remémorer les sacrifices de nos ancêtres qui se sont battus pour nous léguer cette patrie, cette terre éternelle : Haïti chérie. Nous entendons également, de loin, les tristes accents de la voix de Christine Jeune, cette policière qui fut un modèle de dignité, cette génération de femmes qui, par leur vaillance et leur force de caractère, contribuent à imprimer une image différente de notre société.

Nous entendons les voix de cette jeunesse combattante et héroïque, pleine de fougue et nourrie des plus beaux projets, se lancer dans tous les combats. Cette jeunesse, porte-étendard de notre drapeau, était toujours la sentinelle de la nation. En 1791, Jean Jacques Dessalines était dans la trentaine ; d’autres étaient au tout début de la vingtaine ; il en était pareil pour la majorité de ces glorieux révolutionnaires. C’était cette jeunesse héroïque et homérique qui avait affronté résolument la mitraille des ennemis.

Jodi a, Peyi a dwe kanpe bò kote jenès la. Nou pa dwe kite jenès la pèdi lespwa, paske yon peyi kote jenès la pa wè chimen demen, se yon peyi ki pa gen avni. Se pou sa Gouvènman an ap travay san pran souf, pou kreye kondisyon sekirite, pou se moun pèp la chwazi nan bon jan elèksyon ki vin ranplase l. Se konsa selman peyi a ap kapab ranfòse estabilite e kreye plis opòtinite pou envèstisman fèt, pou djòb kreye, e pou lavi chè bese.

 

Mes Chers Compatriotes,

Le 18 mai, c’est aussi la fête de l’Université. En tant que réservoir de matière grise, appelée à alimenter la réflexion, elle doit pouvoir jouer son rôle de catalyseur de développement et de dépositaire des idéaux et des valeurs citoyennes pour la refondation de la patrie commune. Aujourd’hui l’Université est dignement représentée dans une initiative citoyenne de dialogue aux côtés du secteur privé et du monde religieux.

Il est évident que notre système  universitaire, ne répond pas encore aux exigences de recherche et est loin, d’être compétitive, même au niveau régional. C’est pourquoi le Gouvernement que je dirige encourage, sans réserve, les réformes nécessaires pour qu’elle se transforme et s’adapte mieux aux enjeux de l’heure Elle se doit d’être actrice de promotion d’une citoyenneté active et engagée dans la modernisation de la société.

L’université dans son ensemble, tout comme le pays, doit se relever. En célébrant la fête de l’université, nous reconnaissons également les défis auxquels elle est confrontée, ainsi que ses besoins qui sont énormes. L’avenir d’Haïti dépend de la qualité de son système universitaire. Il nous faut, donc, la renforcer, la reconstruire physiquement et lui donner les moyens de remplir véritablement sa mission qui est, entre autres, d’alimenter le laboratoire de réflexion au sein de la société. Il nous faut une université forte, génératrice de nouvelles connaissances, capable d’offrir un enseignement de qualité et de produire le savoir nécessaire pour une Haïti régénérée.

 

Mes chers compatriotes,

Nos intentions resteront des vœux pieux si toutes les filles et tous les fils du pays n’œuvrent pas pour la paix et la stabilité. Les scènes d’horreur, les meurtres, les actes de kidnappings autant qu’ils endeuillent les familles, sont des tâches sombres sur le drapeau haïtien. Est-ce pourquoi, les forces vives de notre pays doivent supporter les actions de la Police nationale et des Forces Armées d’Haïti dans le combat sans merci qu’elles mènent contre ces actions terroristes de toutes celles et de tous ceux qui voudraient arrêter la vie dans plusieurs zones de la région métropolitaine.

Plus que jamais, le Gouvernement, interpellé dans son âme et conscience, est à pied d’œuvre pour que cela cesse, pour que la vie et la paix reviennent dans nos familles. La peur doit changer de camp. L’autorité de l’État, le droit, la justice, la volonté populaire triompheront. L’avenir se nourrit du passé. Si en 1803, ici à l’Arcahaie, nos ancêtres avaient conscience de la nécessité de sceller l’unité entre des individus partageant le même territoire et aspirant à la liberté, aujourd’hui nous devons nous donner les moyens et avoir le courage de sacrifier les individualités au profit du collectif.

C’est cet esprit qui m’anime depuis le premier jour de ma prise de fonction et qui continue de m’habiter et de me guider chaque fois que je prends l’initiative d’aller vers les autres compatriotes qui semblent être des adversaires irréductibles, mais qui au fond sont des haïtiennes et de haïtiens, capables de transcender. Tout en continuant à avancer dans la dynamique de la reconstruction de nos institutions et de la remise du pouvoir à des élus du peuple, je veux avec l’ensemble des membres de mon Gouvernement et avec tous les acteurs politiques et de la société civile qui partagent cette même vision, tendre la main aux autres et trouver avec eux le chemin qui doit conduire à la réconciliation et à l’unité du peuple haïtien.

Nous avons tous nos parts d’ombre et de lumière, mais elles ne peuvent pas nous empêcher de nous parler, de prendre place autour de la table du dialogue. Haïti est le produit d’un rêve collectif, d’un grand dépassement de soi, de l’union des contradictions à priori irréconciliables.

Aujourd’hui, nous sommes à un carrefour qui génère toutes formes d’inquiétudes à cause de problèmes économiques, environnementaux, sécuritaires. Nous avons besoin de travailler, de discuter, de nous entendre, de nous fixer des objectifs et de faire de notre mieux pour les atteindre ensemble. C’est pour cela que j’encourage l’initiative des représentants du monde religieux, de l’université et du secteur privé à poursuivre leur démarche de consultation et de concertation avec tous les segments de la société. Et je convie fortement ceux qui n’ont pas encore participé à ces échanges à le faire, car ceci est une voie qui vaut la peine d’être explorée et qui peut, qui sait, nous permettre de déboucher sur une entente sur quelques questions essentielles susceptibles de mener vers une issue durable et acceptable pour nous tous.

 

Pèp Ayisyen, nou pa dwe pè. Bandi pa ka genyen batay sa a.

Pèp vanyan pa ka konn pèdi batay.

Pèp ini toujou ranpòte laviktwa.

Nou gen yon sèl drapo :se drapo ble e rouj la.

Nou gen yon sèl peyi : Ayiti cheri

Viv Pèp Ayisyen !

Viv Linyon anba yon sèl Drapo !

Viv Haiti

 

 

Dr Ariel Henry
Premier ministre

Leave a Comment