Chers compatriotes,

Il y a exactement un an, date pour date, depuis que le Président de la République, Jovenel Moïse, a été lâchement assassiné à son domicile, par un groupe d’individus lourdement armés, qui ont choisi délibérément de porter un coup terrible à la démocratie haïtienne. Ils ont prémédité la mort d’un Chef d’État, pratique d’un autre temps que nous pensions complètement révolue et bannie de notre histoire. 

Un an après cet assassinat, nous sommes encore en deuil. Le peuple haïtien est en deuil. Et cela nous oblige à nous plonger dans un profond questionnement : comment des individus, qui portent en eux un brin d’humanité, ont pu froidement concevoir une telle atrocité ? Comment ont-ils pu prendre le temps de se concerter pour ourdir un tel complot macabre ? Les membres de sa famille, ses amis, le peuple haïtien, se demandent encore aujourd’hui pourquoi. Pourquoi cette barbarie ?  Pourquoi cette haine et cette folie meurtrière?

Un an plus tard, aujourd’hui, nous avons toujours du mal à réaliser cet épisode sanglant et barbare de notre histoire. La situation sécuritaire s’est détériorée considérablement. Tous les jours, viennent s’ajouter à notre inquiétude un fait, une prise de parole qui, avec l’effet multiplicateur des médias sociaux, nous perturbent un peu plus et ajoutent à nos doutes sur la possibilité de nous dépasser, d’être à la hauteur du grand rêve et des grands sacrifices qui nous ont valu le statut de « Nation ».

Ces dernières années, nous avons expérimenté la violence sous toutes ses formes et une banalisation de la vie. Une violence des mots et des intentions et des passages à l’acte qui ont détruit et détruisent ce que nous avons de meilleur en nous, ébranlent les fondamentaux et relativisent ce qui pourtant n’est pas de l’ordre du périssable, ce sur quoi aucun doute ne devrait être permis : la fraternité, l’égalité entre citoyennes et citoyens.

Et pourtant, les solutions pour gérer notre pays sont prévues dans le modèle même de gouvernement que nous avons choisi : la démocratie. Nous nous sommes fait mal. En toute conscience, alors qu’il suffirait que nous nous parlions, que nous discutions du meilleur pour tous et surtout pour les femmes et les hommes qui habiteront ce pays après nous et qui jugeront cette fureur qui semble être devenue notre quotidien depuis plusieurs années.

La famille du défunt, le peuple haïtien, la diaspora haïtienne,  ne pourront pas faire le deuil de cette perte, tant que nous n’aurons pas fait la lumière sur ce qui s’est passé dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021; tant que nous n’aurons pas découvert la vérité, toute la vérité; tant que nous n’aurons pas amené devant les tribunaux compétents,  les auteurs et les commanditaires de ce crime odieux.

C’est à sa famille et au peuple haïtien que justice sera rendue, quand la justice aura déterminé qui sont les vrais responsables de l’assassinat du Président. La paix la plus fondamentale, celle des consciences, celle qui permet de se réveiller chaque matin, d’aller de l’avant, de se projeter dans l’avenir, ne sera possible qu’avec cela, pour les Haïtiens de l’intérieur, ceux de l’extérieur et même pour ceux et celles qui ont une ascendance haïtienne.

Je renouvelle ici devant la nation, ma détermination à encourager, sans relâche, la poursuite de l’enquête jusqu’à son aboutissement. La justice haïtienne peut compter sur le soutien indéfectible du gouvernement. Malgré sa faiblesse, elle doit continuer à faire le maximum pour traquer les coupables, les traduire devant leurs juges et leur infliger des peines exemplaires et dissuasives, pour que plus jamais notre pays n’ait à revivre un pareil drame.

Le président Jovenel MOÏSE n’était pas satisfait de ce qui se passait dans notre pays ni dans la société haïtienne. Il voulait que cesse cette violence aveugle ki fè twòp san koule, ki mete twòp dlo nan je, ki fè twòp viktim, twòp kidnaping, twòp zak briganday, gang k ap simen latèrè nan tout peyi a. Il voulait que les Haïtiens se réconcilient entre eux. Il voulait une autre Haïti. Il voulait changer les choses et insuffler d’autres valeurs à notre jeunesse, et surtout faire en sorte que l’on fasse de la politique autrement.

Mezanmi, sa pa ka kontinye konsa. Nou dwe rebay lavi kretyen vivan plis valè. Sa se yon règ esansyel si nou vle kontinye viv ansanm, si nou vle viv tankou moun e tankou yon nasyon. 

Lè a rive, nou paka fè komsi nou pa wè. Li lè pou nou konprann developman se rezilta invèstisman. Invèstisman nan moun, invèstisman nan jenès nou an. Invèstisman nan stabilite ak nan sekirite.

Sekirite pou tout moun, nan kad yon demokrasi pwogrèsis kote tout moun gen menm dwa.

Mwen pap gade dèyè. Men m ap di nou ke yon pèp ki fè 1804, li kapab chwazi chimen devlopmanl, li ka pran responsabilite l yon fwa ankò devan listwa. Se chwa sa a ki devan nou jodi a.

Je vous le dis. Parvenir à maintenir durant deux siècles le peuple dans un tel état de dénuement, de précarité, de sous-développement et d’insécurité, en dit long sur la nature des forces opposées au bien-être du peuple haïtien. L’ennemi est historique. L’ennemi est fort. A nous, de nous en convaincre et de prendre la courageuse décision de rassembler nos forces, nos intelligences, nos volontés afin de mettre Haïti sur la voix du développement. Nous pouvons le faire, nous devons le faire.

Je voudrais que la vision, dont Jovenel Moise m’a parlé en me nommant Premier ministre, éclaire les nouvelles avenues sur lesquelles nous devons engager notre pays.

Se chimen tèt ansanm. Se chimen dyalòg.  Se chimen konsansis. Se chimen bon jan elèksyon, ki pou retire nou nan katchouboumbe sa a.

Map di nou : demokrasi se yon batay pèmanan. Demokrasi se echanj, se pwopozisyon. Demokrasi se troke lide, se antant apwè diskisyon.  Demokrasi pa ka vyolans ni krim. Li lè li tan pou jwèt asasina karaktè moun, destriksyon repitasyon moun, jwet wete pye w pou m mete pam lan sispann. Pwogrè social ak ekonomik, se ak tèt ansanm, se ak anpil konsesyon, anpil  inisyativ ak pwojè, pou nou reyalize l.

Non. Sa paka kontinye, fòk nou chanje konpòtman, fòk nou chanje dirèksyon.

Toujours dominé par un profond humanisme, par un souci d’intégration de la grande masse, par cette générosité du cœur,  le Président MOÏSE accordait de l’importance aux revendications de nos concitoyennes et de nos concitoyens, et en particulier, celles et ceux de l’arrière-pays, qu’il considérait comme des « oubliés du système ».  On peut ne pas être d’accord sur les moyens, mais on ne peut pas remettre en question les objectifs visés.

Nous avons entendu ce message, nous l’avons compris, et nous l’avons retenu. Il nous incombe aujourd’hui de l’améliorer et de poursuivre ce combat.

Jovenel MOÏSE tonbe. An nou pran tout sa ki te bon lakay li.  An nou ranmase rèv li yo. Nou tout ansanm, an nou travay pou byennèt peyi a ak tout pitit li yo san distenksyon. Ayisyen andedan tankou sa k ap viv lòt bò dlo, an nou travay men nan men, pou rekonsilye nasyon an ak tout piti li yo.

Dans ces circonstances douloureuses, je prends avec humilité, la responsabilité de vous dire que j’entends assumer jusqu’au bout, avec détermination et patriotisme, la mission qui m’a été confiée : rétablir la sécurité et la paix indispensables pour l’organisation des élections et contribuer à une entente nationale, ce qui nous permettra de repartir sur de nouvelles bases.

La mort tragique du président, doit être le dernier acte d’une période d’ignominie, d’intolérance. Nous devons rompre définitivement avec cette tradition.  Puisse le rêve d’une nation haïtienne réconciliée que le Président portait, une nation où tous jouissent des mêmes droits et ont les mêmes chances, où l’électricité est disponible dans les « kay pay » comme dans les grandes villas, où l’eau irrigue toutes les parcelles,…devenir une réalité! C’est la meilleure façon de rendre hommage au président et d’honorer sa mémoire. C’est l’appel que je veux lancer à toutes celles et à tous ceux qui auront la lourde tâche de le remplacer à la tête de l’État.

 Il a voulu, à sa manière, changer le cours de notre histoire. Nous n’avons pas besoin d’être d’accord sur tout pour travailler ensemble à la transformation de notre société. Son rêve d’une Haïti différente, une Haïti où sera privilégié l’État de droit, une Haïti où la justice deviendra la règle de vie de la société, une Haïti porteuse de progrès, de stabilité et de paix…c’est ce rêve qui devra être pour nous tous une source d’inspiration permanente.

Je vous remercie.

 

 

Dr Ariel Henry
Premier ministre